Les sensitivity readers : un sujet sensible, tout du moins en France ! Pour ma part comme vous l’aurez compris, je pense que c’est un travail nécessaire dans certains cas. C’est une pratique encore peu répandue dans l’édition française, mais les choses commencent doucement à bouger aussi bien du côté des éditeurs.
Je vois un certain nombre d’articles issus de la presse ou de blogs qui ne sont pas vraiment en leur faveur, voyant la lecture sensible comme une forme de censure ou de puritanisme. Mais ces affirmations tiennent en réalité surtout d’une méconnaissance de ce métier.
En quoi consiste son travail ?
Alors, tout d’abord, non, un·e sensitivity reader n’est pas là pour censurer vos textes.
Son travail est de vous aider à tendre vers une représentation la plus juste et la moins offensante possible pour votre lectorat. Le but est de vous faire part de son point de vue et de son ressenti en tant que personne qui a entamé un processus de déconstruction et qui est sensibilisée aux thèmes que vous abordez. Si vous ne voulez pas suivre ses indications, libre à vous, vous aurez toujours le dernier mot sur vos écrits.
Il n’y a pas forcément besoin d’y avoir systématiquement recours, mais un·e sensitivity reader est généralement conseillé dès lors que vous intégrez de manière significative des personnages minorisés ou des thèmes sensibles à votre récit, et que vous êtes dans une démarche de bienveillance et de respect envers votre public. Cela permet de s’assurer que vous ne dites pas de choses maladroites, fausses ou qui peuvent participer au renforcement de certains stéréotypes négatifs.
D’un point de vue plus pragmatique, cela peut également vous éviter des bad buzz qui peuvent ternir votre réputation d’écrivain·e.
Les sensitivity readers en France
En France, certaines maisons d’édition y ont recours, mais c’est une pratique encore trop peu répandue. La grande majorité des maisons d’édition françaises restent frileuses, tandis qu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, il n’est pas rare que les sensitivity readers travaillent directement au sein des maisons d’édition. Lorsque je me suis entretenue avec des éditeurices pour mon mémoire de fin d’études, j’ai d’ailleurs été agréablement surprise de voir que c’était une pratique qui commençait à émerger, et surtout, à être légitimée à différents niveau de la chaîne du livre.
Mais la plupart du temps, les maisons d’édition ne prennent pas la peine de trouver quelqu’un pour faire ce travail, bien que ce soit une forme de relecture attentive similaire à celle faite en littérature jeunesse où il faut parfois faire attention à des petits détails qui peuvent être problématiques aux yeux des parents. Ce type de relecture se fait aussi avec les publications universitaires qui, elles aussi, sont relues par des experts avant d’être publiées.
Dans la mesure où nous en avons besoin de relecteurices expert·es pour certains genres ou thèmes, il est donc tout à fait légitime que l’on puisse y avoir recours pour les questions de représentation.
Pourquoi est-ce si important de faire attention aux représentations ?
Les questions de représentations sont très importantes car la culture populaire est un miroir de notre société. Si vous participez à la « diversité », cela aura un impact sur nos sociétés et vice-versa : les avancées sociales sont reflétées dans les contenus que nous consommons. Que vous souhaitiez y contribuer à votre échelle est très honorable ! Mais il faut faire attention à tendre vers le plus de justesse possible afin d’éviter l’inverse en renforçant des stéréotypes négatifs très ancrés.
Je pense que l’écriture est toujours politique : en choisissant d’écrire sur des sujets et pas sur d’autres, nous prenons forcément position. Ces dernières années, il y a une montée de prise de conscience, ce qui permet petit à petit d’inclure plus de personnages minorisés dans la littérature grâce aux auteurices qui sont de plus en plus nombreux·ses à faire le choix d’une écriture plus représentative du monde.
(Et si vous-même voulez devenir SR, n’hésitez pas à consulter cet article où je réponds à toutes les questions qui m’ont été posées !)
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