Game of Thrones : une fantasy féministe ?

S’il y a un sujet qui divise les fans concernant la saga de George R. R. Martin, c’est bien celui de savoir si l’œuvre est féministe ou bien misogyne.

Tasnime Ayed, une chercheuse en lettres, s’est intéressée aux personnages féminins de Martin lors de sa communication « Une gritty fantasy médiévaliste et féministe, le pari impossible de George R. R. Martin dans A Song of Ice and Fire ? » dans le cadre du colloque Fantasy et féminismes : à l’intersection du/des genres.

Dans son intervention, elle montre comment l’évolution des personnages féminins dans un cadre médiéval et patriarcal permet à l’auteur de proposer un récit féministe.

Une subversion de trope dans un univers misogyne

Ce féminisme passerait par la subversion des tropes traditionnels de la fantasy associés aux femmes (archétypes de princesses, sorcières, guerrières, etc.), où « les mères deviennent meurtrières et les princesses deviennent libératrices. »

Un des points clés de l’oeuvre de Martin est de montrer comment les femmes peuvent accéder au pouvoir dans un univers patriarcal qui leur est hostile.

Pour Tasnime Ayed, cela passerait par la négociation avec le système en place, le détournement du pouvoir masculin et la destruction qui amène à une meilleure reconstruction.

Elle prend notamment l’exemple de Cersei pour appuyer ses dires : ce personnage négocie avec le système patriarcal en utilisant son pouvoir de séduction à des fins politiques, et elle utilise sa féminité comme un outil afin de contourner la violence masculine, à la fois pour se protéger, mais aussi s’émanciper. Elle détourne également le pouvoir masculin en idéalisant et en imitant son père. Enfin, elle ne prépare pas ses enfants à régner, mais gouverne plutôt à travers eux, en cherchant à les destituer de toute autorité.

Chez Martin, les femmes auraient donc un rôle essentiel et actif.

Des personnages diversifiés et complexes

Martin ne propose cependant pas vraiment une lecture anti-patriarcale : il propose plutôt des personnages diversifiés, et les met face à des à des situations extrêmes auxquelles peuvent mener un système misogyne.

Martin a expliqué dans une interview qu’avant d’écrire des femmes, il écrivait des individus. Et selon la Tasnime Ayed, le féminisme en littérature résiderait dans le fait de proposer une représentation qui tend vers la justesse.

Ici, nous avons donc selon elle, une logique vraisemblable avec des personnages complexes et diversifiés.

Elle explique également que dans un genre où les femmes sont souvent réduites à des princesses, sorcières ou prostituées sans profondeur, l’oeuvre de Martin nous propose des personnages féminins remarquables et en quête de pouvoir.

Ces femmes sont animées par des peurs et désirs au même titre que les hommes, et non pas réduites à une simple présence narrative.

Conclusion de la communication

Tasnime Ayed reconnait cependant que Martin décrit plusieurs formes de violence envers les femmes, ce qui est certes critiquable, mais propose malgré tout en parallèle des modèles d’empowerment féminins.

Elle revient également sur le fait que la série ne permet pas de rendre compte de la complexité des personnages et tend malheureusement à simplifier et stéréotyper les personnages féminins.

La chercheuse conclut son intervention en affirmant que l’oeuvre n’est donc pas féministe en soi, mais le féminisme en serait une conséquence indirecte grâce à l’écriture des personnages et l’exploration de problématiques universelles et intemporelles.

Quelques nuances…

Malgré tout, comme l’illustre les nombreux posts sur Reddit ou les forums, c’est une interprétation qui fait débat. Martin propose certes un récit que l’on pourrait qualifier de « féministe » sur le plan narratif, mais cela n’en fait pas pour autant une œuvre féministe : ses descriptions sont empreintes de male gaze, ce qui rend problématiques certains aspects de son œuvre. Sexualiser de très jeunes filles ou décrire dans les détails des violences infligées aux femmes n’est pas non plus ce qu’il y a de plus féministe pour les personnes soutenant la thèse misogyne.

Proposer des personnages féminins complexes peut également paraître comme quelque chose d’acquis désormais, d’où le fait que réduire à « personnage féminin complexe = féminisme » est assez attaquable. Cependant, il faut rappeler que le premier tome est sorti en 1996. Et à cette époque, cette diversité au niveau des femmes en fantasy n’était effectivement pas vraiment une norme. Si l’on recontextualise, Martin s’en sort donc plutôt bien pour son époque, même s’il n’échappe pas à d’autres aspects problématiques que l’on retrouve très souvent dans les livres de fantasy écrits par des hommes (et même des femmes !).

Mais les avancées et les prises de conscience actuelles en matière de féminisme ne permettent malheureusement pas de qualifier de manière unanime son œuvre de féministe malgré certains points assez positifs.

C’est donc une question qui fait beaucoup débat chez les fans avec d’un côté certaines personnes qui considèrent cette sage comme misogyne, et de l’autre, des personnes comme Tasnime Ayed qui perçoive une forme de féminisme dans cette oeuvre.

Et vous, quel est votre avis sur la question ?

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