« Le terme « intersexuation » est un terme générique utilisé pour couvrir un vaste groupe de personnes dont les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas aux « normes » typiques et binaires masculines ou féminines. Ces caractéristiques peuvent concerner des caractéristiques sexuelles primaires telles que les organes génitaux internes ou externes, les systèmes reproductifs, les niveaux d’hormones et les chromosomes sexuels ; ou des caractéristiques sexuelles secondaires qui apparaissent à la puberté.
L’intersexuation concerne les caractéristiques biologiques et pas l’identité de genre en tant que telle. Il ne s’agit pas non plus de l’orientation sexuelle : les personnes intersexuées ont des orientations sexuelles variées. »
Définition d’Amnesty International
Les personnes intersexes dont les caractéristiques biologiques ne correspondent pas aux normes genrées doivent généralement subir des opérations souvent inutiles, voire néfastes pour essayer de les « normaliser ».
Ces opérations peuvent également inclure des stérilisations forcées, l’ablation d’organes génitaux ou reproducteurs, mais aussi la prise de traitement hormonal au long cours.
Le tout, sous la pression des médecins sur des parents qui ne sont pas renseignés, inquiets, et des enfants qui sont trop jeunes pour avoir leur mot à dire. Ce sont des actes qui peuvent créer une souffrance psychique réelle ou des complications physiques graves pour les personnes concernées.
Plusieurs organisations militantes pour les droits humains comme l’ONU, le HCDH ou Amnesty International condamnent ces opérations qu’elles jugent comme une violation des droits humains bien qu’elles soient répandues dans les milieux médicaux.
Les représentations problématiques des personnages intersexes
Contrairement aux croyances populaires, ce n’est pas un genre, ni une maladie, ni handicap, ni même une condition rare. L’intersexuation toucherait environ 1,7 % de la population, soit des millions de personnes.
Pourtant ces caractéristiques sont complètement invisibilisées dans les œuvres culturelles, et lorsqu’elles le sont, elles apparaissent de manière très maladroite.
La sexualisation de l’intersexuation
Les rares livres qui mettent en avant des personnages intersexes tendent à érotiser leurs caractéristiques et se lancent des descriptions détaillées de leur anatomie.
Le personnage intersexe est d’ailleurs souvent révélé comme tel dans des scènes qui dépeignent des rapports sexuels, comme si ces descriptions de leurs corps ou de leur sexualité étaient la seule manière de « prouver » leur condition.
Ce sont des personnages qui sont populaires dans les œuvres érotiques ou pornographiques, et souvent, pas pour les bonnes raisons, car ils sont fétichisés et sont victimes d’une vision fantasmée de ce qu’est l’intersexuation (assimilée à l’hermaphrodisme, un terme lui aussi problématique pour renvoyer à ces personnes).
L’assimilation à l’hermaphrodisme
L’hermaphrodisme qui est souvent imaginé et projeté sur les personnes intersexes donne lieu à un certain nombre de fantasmes complètement à côté de la plaque et qui peuvent avoir un impact sur la perception des personnes intersexes.
Souvent, cette particularité va être romancée et fantasmée au point où tout ce qui est créature imaginaire, comme les anges ou les démons, vont être caractérisés comme ce qui est pensé, à tort, comme intersexe. On tombe alors dans le trope du Otherworldly and Sexually Ambiguous qui contribue à déifier maladroitement, voire donner un côté monstrueux quand ce sont uniquement des créatures malfaisantes qui sont représentées avec ces caractéristiques.
L’intersexuation comme outil narratif
Pour en revenir au premier point, ce n’est pas tant le fait de décrire la sexualité de ces personnages qui pose problème (même si parfois cela se rapproche plus du voyeurisme que d’une volonté de donner de la visibilité à la sexualité des personnes intersexes), mais c’est plutôt que dans la plupart des œuvres, cette scène érotique est utilisée comme un outil narratif pour susciter la surprise chez le lectorat, voire simplement comme un plot twist pour redonner du souffle à l’intrigue.
C’est un procédé narratif que l’on retrouve d’ailleurs souvent dans les représentations des personnages transgenres. C’est devenu un cliché qu’il vaut mieux éviter, car il tend à réifier ces personnages et les relayer à de simples outils narratifs.
L’intersexuation et le pathos
Le pathos et les aspects mélodramatiques sont presque toujours associés à ces personnages. Ce n’est pas tant ce genre de tension dramatique qui est problématique, c’est plutôt le fait que ce soit devenu la norme de montrer les souffrances en mettant l’accent sur des figures de style qui renforcent le côté « pathétique » de leur condition, et en mettant de côté toute capacité d’empowerment.
Oui, l’intersexuation peut provoquer de réelles souffrances chez ces personnages, mais le pathos ne résume pas uniquement leur existence, et ils peuvent se réapproprier cette condition pour en tirer du positif.
L’intersexuation comme unique caractéristique
Enfin, comme la plupart des personnages associés à la communauté LGBTQIA+, certain.es auteurices maladroit·es vont avoir tendance à réduire l’arc narratif, voire même le personnage entier à cette unique caractéristique.
Cela se traduit généralement par le personnage qui parle ou se positionne uniquement par rapport à sa condition, sans avoir aucune autre profondeur ou complexité.
Conclusion
Je voulais au départ faire une sélection de livres qui proposent des personnages intersexes pour cette journée de la visibilité, mais je me suis rendu compte que déjà, il n’y en avait que très peu, et que surtout, ce n’étaient pas des représentations que j’avais envie de promouvoir, car elles étaient très maladroites, voire offensantes, pour la plupart.
J’ai à peine survolé le sujet sur l’intersexuation en tant que telle pour me concentrer sur les représentations, mais je vous invite à consulter les ressources de personnes concernées qui sauront bien mieux vous en parler que moi.
Comme première sensibilisation à ce sujet, je conseille chaudement la petite BD (gratuite et en ligne) « C’est quoi intersexe ? » de Mischa qui donne toutes les informations essentielles pour s’informer et rompre avec les différents préjugés. La chaîne YouTube Mischanomalie et de Audr XY peuvent être également de belles sources pour bien comprendre ce qu’est l’intersexuation. La vidéo de Mischanomalie « Idée reçue #1 : intersexe = hermaphrodite » est d’ailleurs parfaite pour voir pourquoi le mot « hermaphrodite » est problématique lorsqu’il est utilisé pour désigner les personnes intersexes.
Le documentaire Arte « Entre deux sexes » de 2017 est ce qui m’a sensibilisé au sujet il y a quelques années. Il explique très bien ce qu’est l’intersexuation en laissant la parole à des personnes concernées, et qui explique comment toutes ces normes sociales et médicales impactent leurs vies.
Sources
Documentaire Entre deux sexes – Arte – 2017
Les chaines YouTube de Mischanomalie et Audr XY
La BD « C’est quoi intersexe ? » de Mischa
Le site d’Amnesty International
Intersex Society of North America
Jack Halberstam – Trans*. A Quick and Quirky Account of Gender Variability (2018)
Les témoignages de concerné.es :
http://www.slate.fr/story/175530/histoire-m-premiere-personne-intersexe-plainte-mutilations (attention, témoignage très dur et choquant sur les violences que les personnes intersexes peuvent subir)
https://www.liberation.fr/france/2018/10/12/intersexes-le-cri-du-corps_1685038/