Ecrire des personnages gays : stéréotypes et clichés

Les personnes gays et lesbiennes sont les membres de la communauté LGBTQIA+ qui sont les plus représentés dans la culture populaire. Pourtant, il y a toujours des stéréotypes et clichés très ancrés comme nous allons le voir avec la sélection qui suit.

Les termes à employer

Le terme « homosexuel·le » en lui-même est de plus en plus délaissé par les personnes concernées car il est « médicalisant » : cela renvoie à sa catégorisation comme maladie psychique jusque dans les années 80. Les termes « personne gay » ou « lesbienne » sont préférables à utiliser pour en parler en tant que personne non concernée plutôt que « les homos » ou « les homosexuel·les ». Le terme « homosexuel·le » est aussi considéré comme excluant pour les personnes transgenres. C’est pour cette raison que l’on considère plutôt qu’être gay désigne une attirance vers les personnes non-femmes (et non pas uniquement des hommes car cela peut inclure des personnes non-binaires ou sur le spectre de la masculinité). Tandis qu’être lesbienne désigne l’attirance pour des personnes non-hommes (idem, pas nécessairement que des femmes donc).

Le trope du Gay Bestfriend ou le meilleur ami gay

Le meilleur ami gay est souvent présent dans les romances M/F et utilisé comme faire-valoir pour la protagoniste en cumulant à lui seul plusieurs clichés : il fait des commentaires sur la vie sexuelle de l’héroïne (mais rarement sur la sienne qui est invisibilisée), dit souvent des punchlines censées être drôles (Gay Bestfriend),et est passionné de mode ou de comédies musicales (All Gays Love Theater).

Il n’a généralement pas droit à sa propre histoire et n’est pas développé, car il sert uniquement à épauler l’héroïne dans ses doutes. Il sert aussi à appuyer la différence entre la façon de performer sa masculinité et celle de l’homme que l’héroïne cherche à conquérir, plus viril et hégémonique.

Il n’existe donc pas en tant que personnage mais en tant qu’outil : il est souvent réduit au rôle de faire-valoir, ressort humoristique ou tombe dans le trope du Magical Queer.

Les représentations des personnages gays

Camp Gay et Manly Gay : Dans les œuvres mainstreams, ce sont souvent les uniques représentations que l’on a des personnages gays, comme s’il n’y avait pas un spectre entre ces deux extrêmes. Le Camp Gay est le perso efféminé qui met des crops tops et est « maniérée », alors que le Manly Gay est l’archétype de l’homme gay viril.

Have I mentionned I am gay ? : c’est lorsque le personnage rappelle en permanence son orientation sexuelle, sans que ce soit pertinent pour l’intrigue. Souvent, pour ce genre de personnage, le fait que ce personnage soit gay est son unique caractéristique, comme si le fait d’être gay était un trait de personnalité. Mentionner quelques fois l’orientation sexuelle d’un personnage est généralement suffisant si ce n’est pas un thème central de l’histoire.

Les représentations saphiques

Le trope de la Butch Lesbian propose une représentation très stéréotypée. Les codes liés aux masculinités sont souvent parodiés pour prendre des caractéristiques négatives, comme la vulgarité ou des comportements déplacés. Ce sont également souvent des antagonistes ou des personnages détestables. Ces mauvaises représentations ont souvent pour cible les femmes issues des classes populaires, et sont donc teintées de classisme en plus d’homophobie.

La Lipstick Lesbian est l’exact opposé de la Butch : c’est une femme très féminine et qui sera généralement présentée positivement. Elle est souvent là uniquement pour le fanservice et/ou pour séduire les personnages hétéros. Lorsqu’elle est en couple, elle sera souvent avec une Butch (Masculine–Feminine Gay Couple), comme si tous les couples devaient forcément correspondre à l’archétype hétérosexuel masculin/féminin.

Les relations entre les personnages

But Not Too Gay : désigne le fait d’invisibiliser les marques d’affection entre deux personnages du même genre en couple. C’est un double standard où des personnages hétéros seront montrés en train de s’embrasser ou avoir des relations sexuelles, tandis que les personnages gays, eux, seront au mieux montrés en train de se tenir la main ou de s’enlacer.

Le trope du Hide your lesbians, montre deux femmes qui semblent avoir des sentiments amoureux, sans que le couple ne se concrétise jamais ou que ce soit explicite. Elles sont parfois présentées comme des amies « très proches », malgré la présence d’éléments qui peuvent être interprétés autrement.

Le queerbaiting est une stratégie marketing délibérée qui explique parfois ces tropes : il consiste à laisser quelques indices que des personnages pourraient être queers, sans aller jusqu’au bout des représentations pour ne pas se mettre à dos les publics potentiellement queerphobes.

Le trope du Bury your gays

C’est un trope que l’on voit moins car il a beaucoup été dénoncé sur les réseaux sociaux dans les années 2010. Il désigne le fait de faire mourir un personnage gay dans une histoire simplement à cause de son orientation.

Ce trope a évolué en même temps que les stéréotypes sur l’homosexualité : au siècle dernier ces perso mourraient car c’était les méchants de l’histoire (le trope du Depraved Homosexual), puis l’orientation a été visibilisée, notamment avec la crise du SIDA dans les années 80 et les créateurices ont cru bon de faire leurs personnages gays tous séropositifs et qu’ils en meurent.

On est ensuite tombés dans le trope du Too Good For This Sinful Earth, où les créateurices voulaient renverser les stéréotypes homophobes avec des personnages gays positifs, mais en continuant à les faire mourir comme des sortes de martyrs.

Les tropes en vrac

Le trope du Magical Queer désigne les paroles « sages » que vont prodiguer les personnages LGBTQIA+ aux protagonistes. C’est des personnages généralement peu creusés, et dont le seul moment où ils brilleront dans l’histoire sera lorsqu’iels donneront des conseils décisifs pour les personnages importants. Ce trope est très souvent combiné à celui du Gay Bestfriend.

Armoured Closet Gay : ce sont les personnages ouvertement homophobes et qui sont censés être viril, agressif, etc. et qui se révèlent en réalité être gay (c’est aussi le trope du You Are What You Hate).

Le trope du Gayngster peut également le recouper : ce sont tous les personnages du crime organisé qui sont présentés comme gays. Dans les productions américaines, ces personnages-là sont souvent des hommes noirs ou latinx et la frontière avec les représentations racistes est souvent très fine.

Hereditary Homosexuality : c’est lorsqu’il est supposé qu’il y aurait un « gène homosexuel » et qu’un perso serait gay car l’un des parents le serait aussi. Ici, c’est surtout l’intention derrière qui est problématique, car certaines créateurices homophobes l’utilisent souvent pour montrer que toute la famille aurait un « problème ».

Girl on Girl is hot : c’est lorsque deux personnages féminins sont montrés en train de s’embrasser, mais simplement pour le fanservice, car il est acté dans la série qu’elles sont hétéros. Ce genre de moment est souvent empreint de male gaze et destiné à un public masculin. Les démonstrations d’affection entre deux hommes sont quant à elles invisibilisées ou simplement ridiculisées.

Trans equals gay : une représentation surtout présente dans les années 2000, et qui consistait à considérer qu’être transgenre était l’étape suivante « logique » lorsque l’on était gay. Or, les deux n’ont rien à voir : l’orientation sexuelle n’est pas l’identité de genre.

Rape and Switch : c’est lorsqu’il est expliqué qu’un personnage est gay parce qu’il a été traumatisé par un viol ou une agression sexuelle. C’est problématique lorsque le trope pathologise une orientation sexuelle. C’est un trope qui va parfois de pair avec celui du Cure your gay, où par exemple l’héroïne dans une relation saphique retournera ensuite dans une relation hétéro une fois qu’elle aura trouvé « le bon, celui qui l’aura guéri ».

Gayngst : ce trope désigne le fait d’écrire des histoires tristes et dramatiques sur des personnes gays ou lesbiennes, comme si iels n’étaient pas en mesure de connaître le bonheur. On tombe aussi souvent dans le trauma porn, où l’homophobie et les différentes formes de violences subies sont utilisées à des fins de divertissement par des personnes non concernées.

Les descriptions détaillées d’actes de cruauté à l’égard des personnages ne sont pas forcément nécessaires pour dénoncer les injustices.

Conclusion

Comme d’habitude, je n’ai fait que survoler les représentations et les tropes, donc je vous invite vraiment à aller suivre des comptes militants ou lire des essais si vous souhaitez en savoir plus sur ces thématiques.

Il y a énormément de tropes sur ce sujet étant donné que les personnages gays et lesbiennes sont les plus représentés de la communauté LGBTQIA+. Je vous conseille d’aller voir la page Queer as Tropes de TV Tropes qui liste une grande partie des stéréotypes et clichés associés aux personnages LGBTQIA+, en plus de donner de nombreux exemples pour illustrer ceux que j’ai pu aborder.

Le Tumblr Rainbow Writing pourrait également être une ressource intéressante si vous voulez écrire sur ces thématiques : les modérateurices répondent aux questions d’auteurices sur comment écrire le plus justement possible des personnages queers.

N’oubliez pas non plus qu’un personnage peut certes être gay, mais peut aussi en même temps être racisé, trans, handi, etc.

Je rappelle également comme à chaque fois les conseils généraux si vous souhaitez inclure de la diversité à vos écrits : faites des recherches, lisez des témoignages, échangez avec des personnes concernées, suivez des comptes militants et faites-vous relire par des sensitivity readers concerné·es par ces thématiques.

Je remercie également @desastrae_ qui a rajouté sur Instagram en quoi le terme « homosexuel·le » était excluant pour les personnes trans !

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