En littérature, on voit souvent les couleurs de peau comparées à de la nourriture ou d’autres champs lexicaux tout aussi offensants pour les personnes racisées.
L’article très bien fait du Tumblr Writing with color « Words for Skin Tone | How to Describe Skin Color » explique les erreurs à ne pas commettre, et je vais essayer de faire un petit résumé des choses essentielles à savoir dans cet article.
Est-ce que j’ai besoin de préciser la couleur de peau si ce n’est pas important pour l’intrigue ?
Oui, il faut vraiment le dire. Si vous ne précisez pas, le lectorat imaginera une personne blanche, car c’est malheureusement une norme qui a été intégrée par presque tout le monde.
Même si ça peut partir d’une bonne intention de ne pas préciser la couleur de peau pour qu’on « puisse imaginer celle que l’on souhaite », malheureusement, la grande majorité du temps ça ne marchera pas, le personnage sera imaginé comme blanc et cela ne fera que contribuer à l’invisibilisation des personnes non-blanches.
Vous devez donc être explicite quand vos personnages sont racisés. Cette caractérisation doit d’ailleurs apparaître le plus tôt possible dans l’intrigue, afin que le lectorat ne s’imagine pas un personnage blanc alors qu’il ne l’est pas.
L’idéal serait également de formuler clairement quand vos personnages sont blancs : décrire simplement les personnages racisés continue de perpétuer l’idée comme quoi les personnes blanches sont la norme.
Pourquoi faut-il faire attention aux mots employés ?
Les mots peuvent avoir plusieurs sens : un même mot peut évoquer un concept, une chose, une couleur ou être chargé d’histoire. Par exemple, le mot « chocolat » fait penser à la tablette que l’on mange, aux couleurs allant du noir au marron clair, mais aussi à l’esclavage. C’est ce genre d’association très maladroite et offensante qu’il faut éviter pour vos descriptions.
On oublie donc les comparaisons au chocolat, au café, au caramel et tout ce qui se rapporte à la nourriture. Ce sont des descriptions considérées comme fétichisantes et exotisantes, en plus d’être souvent liées à un héritage colonial et d’être très clichées.
« Oui, mais j’ai vu telle personne racisée utiliser ce mot… »
Certains mots offensants sont réappropriés par différentes communautés.
C’est le cas par exemple du mot « queer » et « Noir » pour désigner ces groupes minorisés. Ces termes sont désormais dans le langage mainstream et utilisés par tous·tes.
Pour autant, certains termes en cours de réappropriation peuvent rester problématique si c’est une personne blanche qui les utilisent, alors dans le doute, il vaut mieux éviter de les employer.
C’est le cas par exemple du mot « ébène » qui est lui aussi connoté à l’esclavage mais que plusieurs personnes des communautés noires se réapproprient.
Quelle est l’option la plus safe pour décrire les couleurs de peau ?
C’est tout simplement la simplicité avec un adjectif de couleur basique : marron, brun, noir, blanc, etc. On peut éventuellement y rajouter un adjectif de ton comme clair, foncé, bronzé, etc. Par exemple « une peau marron claire » remplace aussi bien le très cliché « café au lait ».
Certain·es auteurices utilisent parfois l’adjectif de ton tout seul, mais ça peut être un peu plus ambigu. Ces mots ne sont pas forcément problématiques en soi, mais ils restent malgré tout très vagues : clair, foncé ou bronzé par rapport à quoi ? Une peau blanche peut être claire, foncée ou bronzée tout comme une peau brune ou noire. Le lectorat aura en plus plutôt tendance à appliquer cet adjectif à une peau blanche plutôt qu’à une autre teinte, et donc imaginer un personnage blanc alors que ce n’était peut-être pas votre intention.
Si vous décidez d’utiliser un mot plus poétique pour décrire la couleur de peau, demandez l’avis de plusieurs personnes afin d’être sûr·e que ce n’est pas un mot offensant, et de bien réfléchir à tous les sens et images qu’on peut lui associer.
L’article de WWC liste un certain nombre de possibilités. Parmi elles :
– les comparaisons aux métaux, minéraux et pierres précieuses ;
– à différents éléments de la nature (roches, fleurs, etc.).
À noter que pour chacune de ces catégories, des exceptions existent, donc encore une fois à vérifier au cas par cas. Une personne en story a par exemple mentionné qu’elle n’aimait pas être comparée au sable ou au désert.
Conclusion
C’est le genre de maladresse que je vois très souvent dans mes lectures et j’ai eu énormément de réactions en stories, donc j’imagine qu’il y a un manque de ressources à ce niveau pour les auteurices francophones.
Je vous invite vraiment à aller voir les posts du Tumblr Writing With Color si vous êtes à l’aise avec l’anglais : je n’en ai fait qu’un bref résumé avec les choses essentielles, donc je vous encourage à aller voir le travail des modérateurices si vous voulez plus de détails et connaître les autres possibilités pour décrire la peau de vos personnages.
J’ai choisi l’axe de la couleur de peau car c’est celui le plus « évident » dans certains cas, mais n’oubliez pas non plus que décrire un personnage non-blanc ne passe pas uniquement par la couleur de peau, mais aussi par d’autres éléments comme éventuellement son nom, la forme de ses yeux, ses lèvres, son nez, la texture de ses cheveux, etc.
N’hésitez pas à aller voir les stories à la une sur mon compte Instagram où nous avons listé tout un tas de mots et expressions que les lecteurices concernées ne veulent plus voir pour les décrire (« basané », « jaune », « rose du désert », etc.). J’y partage aussi quelques ressources et comptes incontournables sur ces thématiques.
Je précise que je suis une personne blanche donc je suis loin d’être experte sur le sujet, en plus de pas me sentir très légitime pour en parler mais il ne me semble pas qu’il y ait de ressources sur le français à ce sujet, donc c’est surtout dans une volonté d’accessibilité. Si j’ai fait une erreur ou oublié un détail important n’hésitez pas me le signaler pour que je puisse rectifier !
Ressources :
Les comptes Instagram @labooktillaise, @bookeylae, @mianabayani, @diveka_asso, @mrsrootsbooks et @monfilsenrose qui abordent régulièrement les problèmes autour de la représentation des personnes racisées dans le monde du livre.
L’autrice Laura Nsafou (@mrsrootsbooks) a animé un cycle d’ateliers d’écriture autour de ces thématiques et pourrait en refaire bientôt, donc n’hésitez pas à vous abonner à sa newsletter si cela vous intéresse !
Posts Tumblr qui ont servis à écrire cet article :