Le male gaze dans les jeux vidéo : l’impact sur le game design et les personnages LGBTQIA+

Trigger warning : homophobie, transphobie, agressions sexuelles

Article hors-série à l’occasion des journées mondiales du jeu vidéo.

C’était au départ un dossier réalisé dans le cadre d’un cours, mais le sondage réalisé sur Instagram montrait un certain nombre de personnes intéressées, donc le voici ! Le concept de male gaze s’applique également à l’écriture de romans, que ce soit au niveau des représentations ou des utilités narratives que l’on attribue à certains personnages.


Le male gaze dans les jeux vidéo : regards sur le queerness

En 2020, LGBTQ GAME ARCHIVE comptabilise un total de 1 200 jeux avec une occurrence de contenu dit « LGBT ». Dans la mesure où en moyenne 8 000 à 10 000 jeux différents sortent par an ces dernières années, ce chiffre apparaît comme très faible. D’autant que les occurrences ne sont pas forcément synonyme de bonnes représentations comme nous allons le voir. De la même façon qu’une bonne partie des personnages féminins sont représentés de manière stéréotypée et utilitariste, les personnages queers, eux aussi, sont victimes de représentations négatives. Nous pouvons dès lors nous demander comment se traduit le male gaze inhérent à l’industrie vidéoludique sur les personnages apparentés à la communauté LGBTQIA+ dans les jeux vidéo.

Le male gaze est un concept théorisé par Laura Mulvey en 1975 et qui explique qu’un certain nombre d’œuvres culturelles sont réalisées sous le prisme d’un regard masculin et hétérosexuel. Ce regard masculin propose des représentations très peu inclusives de tout ce qui sort de cette hétéronormativité, quand ce n’est pas des représentations très problématiques.

Le jeu vidéo est une « technologie de genre » (Teresa de Lauretis, 1987) au même titre que l’est le cinéma dans la mesure où il investit les représentations genrées d’un sens en reproduisant et en perpétuant un certain nombre de valeurs associées à des idéaux fantasmés de féminités, de masculinité ou de queerness.

De nombreux travaux ont déjà montré les caractères problématiques des représentations dans le gaming, entre des masculinités hégémoniques, voire militarisées (Kline, Dyer-Witheford, De Peuter, 2003) avec trop souvent des héros hétérosexuels correspondant à une masculinité imaginée très peu représentative de la « norme » et aux valeurs associées connotées à la violence, la puissance, et la colère.

D’un autre côté, nous avons des représentations des féminités qui présentent la femme soit comme un être fragile, une demoiselle en détresse, une femme trophée ou encore dans un rôle de soutien. Ces personnages sont d’ailleurs souvent renvoyés à leur condition de femme plutôt que comme des personnages complexes à part entière.

À partir de ce constat, quelles représentations sont alors disponibles pour les personnages LGBTQIA+, qui évoluent dans un spectre en dehors des stéréotypes habituels liés au genre et à la sexualité ? Comment un regard hétéronormatif se traduit-il au sein même du dispositif vidéoludique pour représenter la queerness ?

Tout comme les analyses filmiques, un problème de méthodologie se pose lorsqu’il s’agit de déterminer si un personnage est considéré comme LGBTQIA+ ou non. À partir de quel moment un personnage peut-il donc être considéré comme queer ? Faut-il qu’il soit catégorisé ouvertement dans le jeu, est-ce que certains signifiants suffisent, bien qu’il y ait un risque de « valider » un stéréotype ? Est-ce que les interprétations des fans comptent dans cette catégorisation ? Nous verrons que bien souvent, les personnages qui sortent de la norme hétéronormative sont de toute façon catégorisés comme appartenant à la communauté LGBTQIA+ à cause de l’emploi de stéréotypes, souvent négatifs, pour les caractériser et qui ne font que renforcer les clichés pesant sur les personnes externes au spectre cisgenre.

Nous allons voir en première partie les différentes représentations problématiques qu’ont pu proposer les jeux vidéo mainstream au fil de son histoire, puis nous verrons comment les montées de prises de conscience actuelles sur les enjeux sociétaux se traduisent et l’impact qu’elles ont sur ce médium. Enfin, nous verrons que des pistes encourageantes existent via le courant des queer games.

I. Des représentations problématiques

a) des stéréotypes tenaces

Les personnages LGBTQIA+ ont fait leur apparition dans les jeux vidéo dès les années 80. Mais leur représentation était très offensante à cette époque, et certains clichés tenaces ont eu une influence sur des personnages que l’on peut encore trouver aujourd’hui.

L’homosexualité par exemple est souvent signifiée par des personnages caractérisés via des procédés de représentations poussées à l’absurde. Il existe de nombreux exemples montrant comme seule forme de représentation, des personnages gays avec des manières efféminées à outrance, comme c’est le cas avec le jeu Crime Fighters 2 de 1991. Ce jeu montre des policiers en costume de cuir moulant, avec une démarche considérée comme « féminine » exagérée et dont l’attaque consiste à se frotter à l’avatar du joueur à la manière d’un chien qui cherche à s’accoupler. Ce genre de représentation est toujours présente dans des jeux plus récents, comme dans Persona 5 sorti en 2017, où des personnages gays s’approchent d’une démarche efféminée en faisant des avances insistantes d’une voix haut perchée aux héros du jeu. De nombreuses représentations de ce type existent et persistent à montrer des hommes gays comme étant caractérisés de cette manière négative, comme si c’était la seule et unique façon de performer cette orientation sexuelle.

Les personnages sortant de la norme hétéronormative peuvent aussi être associés à la « déviance », voire à de la dangerosité. Plusieurs jeux proposent comme antagoniste principal, un personnage queer. Le jeu Mad Party Fucker sorti en 1985 a pour synopsis officiel « the object in this game is to fuck as many women as you can without getting bufu’ed by fags (contracting aids) ». Le jeu sanctionne donc d’un game over si les ennemis (ici des hommes gays) touchent le joueur, en plus de véhiculer des messages faux sur la transmission du VIH. De manière un peu plus « subtile », c’est également le cas de plusieurs jeux des années 2000 et 2010 comme ceux de la saga Resident Evil, où à deux reprises, le jeu propose des méchants qui pratiquent le cross-dressing et apparaissent comme dérangés et malveillants. C’est le cas aussi dans Dead Rising, où une policière lesbienne séquestre et explique maltraiter une femme à cause de son hétérosexualité. L’orientation sexuelle des personnages apparaît alors comme une explication à leur « folie », et ces personnages sont présentés comme des ennemis à abattre, et dont seule la mort peut permettre de réussir à triompher du jeu.

Ces différents exemples de représentations sont problématiques, car ils n’envisagent les personnages LGBTQIA+ qu’à travers un prisme négatif, ce qui tend à renforcer des stéréotypes déjà bien problématiques.

Cependant, au-delà de ces représentations négatives, les personnages queers peuvent également avoir d’autres utilités narratives qui sont souvent maladroites, voire offensantes.

b) comme ressort narratif

C’est le cas avec par exemple le fait d’utiliser le queerness comme ressort narratif humoristique. Des personnages LGBTQIA+ sont parfois intégrés au jeu et sont ridiculisés uniquement dans le but de susciter le rire chez le joueur. C’est déjà souvent le cas avec les représentations stéréotypées dont ils peuvent faire l’objet, mais est d’autant plus renforcé lorsqu’un segment du jeu se concentre précisément sur ce point afin de jouer la carte de l’humour.

Certains jeux attribuent le trait de « prédateur » à des personnages queers, en les montrant par exemple faire des avances non sollicitées au personnage principal. Le jeu Leisure Suit Larry propose à de nombreuses reprises ce genre de représentations. Le but du jeu est de séduire des femmes, mais le héros Larry va croiser la route de personnage queer, comme Gary Fairy, un homme gay qui va draguer lourdement le personnage et entrainer un game over si le joueur y répond favorablement. Toujours dans la même saga, Larry rencontre également le personnage de Chablis, une femme noire séduisante, mais lorsque Larry se rend compte qu’elle est transgenre, ce dernier vomit et une ellipse ponctuée de cris suggère que Chablis viole le héros.

De la même façon, les personnages queers peuvent être utilisés comme ressorts dramatiques et être caractérisés par le seul fait d’avoir une identité de genre ou sexuelle différente de l’hétéronormativité. Le développement de ce personnage tourne souvent uniquement autour de son appartenance à la communauté LGBTQIA+, en cherchant à susciter la pitié chez les joueurs. C’est le cas avec le personnage de Kainé dans NieR Gestalt, un personnage intersexe, et dont de nombreuses références à son mal-être seront faites de manière très dramatique, souvent par le prisme du pathos et avec une mise en scène qui cherche à susciter des émotions chez les joueur·ses (musiques au piano et violon, ou de gros plans montrant le personnage en souffrance).

Le personnage étant également sexualisé à outrance et uniquement vêtu de sous-vêtement, nous pouvons nous poser la question si une mauvaise représentation vaut effectivement mieux qu’aucune représentation ; les personnages intersexes sont victimes d’une invisibilisation encore plus grande, où LGBTQ Game Archive ne comptabilise que 4 exemples de personnages intersexes au sein de la totalité des jeux sortis.

c) l’implicite du choix dans les jeux vidéo

Au-delà des représentations proposées, c’est parfois le fonctionnement même du jeu qui impose un regard hétéronormatif aux joueur·ses. C’est le cas par exemple avec les options de romance au sein des jeux. La majorité du temps, le personnage principal est hétérosexuel par défaut. Il peut avoir des aventures d’une nuit avec des personnages queers, mais cela sera presque toujours considéré comme « optionnel » et n’aura pas d’impact sur l’intrigue. Les relations avec des personnages non cisgenres ne sont donc pas considérées comme « canon » au jeu. Ces romances ou ces récompenses qui prennent la forme d’un rapport sexuel ne sont mêmes parfois possibles qu’avec des travailleur·ses du sexe, connotant encore une fois une certaine « déviance » aux orientations sexuelles qui sortent de la norme. C’est le cas par exemple dans les franchises des jeux Fable ou Saints Row, réduisant une orientation sexuelle simplement au sexe.

Certains jeux poussent cela plus loin en offrant des romances homosexuelles uniquement entre un avatar féminin et un personnage non jouable femme, mais n’offrent pas la même possibilité pour les personnages masculins de même sexe (comme dans le premier Mass Effect par exemple). Cela témoigne d’une certaine érotisation du saphisme qui est révélatrice d’un male gaze sous-jacent. L’hétérosexualité est donc souvent imposée par défaut aux joueurs comme étant la norme, alors que pourtant des millions de joueur·ses ne sont pas concernés par celle-ci.

Certaines mécaniques de jeu sanctionnent également parfois le joueur pour avoir voulu s’extraire de l’hétérosexualité. C’est le cas par exemple des jeux Leisure Suit Larry évoqués plus tôt, où le joueur reçoit un game over s’il se laisse séduire par des personnages gays ou transgenres. Tout comme c’est le cas dans Mad Party Fucker dont la règle principale du jeu consiste à éviter les personnages gays sous peine d’un game over. Encore une fois, cela traduit une forme de norme imposée et qui doit être respectée si le joueur veut pouvoir aller au bout du jeu.

Nous venons donc de voir un certain nombre de représentations problématiques dans les jeux vidéo qui peuvent aller jusque dans les règles mêmes des jeux. Cependant, il est vrai que certains studios cherchent à faire des efforts dans ces représentations et que ce médium permet également de proposer des récits sensibles grâce à l’interactivité du support et fait par et pour des personnes concernées.

II. Des efforts et des pistes encourageants

a) des progrès relatifs

Certains studios sont conscients des nombreux stéréotypes négatifs qui ont été véhiculés au cours de l’histoire du jeu vidéo, et cherchent à lutter contre. Cependant, il arrive parfois que leurs bonnes intentions apparaissent finalement comme une forme de tokénisme, où les personnages queers apparaissent comme une simple case à cocher. Ces personnages sont généralement uniquement caractérisés par leur sexualité ou leur identité de genre, et sans aucune autre profondeur. C’est le cas par exemple avec certains personnages LGBTQIA+ de Mass Effect, qui n’ont que peu de lignes de dialogues, mais dont les seules qu’ils ont font référence à leur orientation sexuelle. Ils sont donc renvoyés uniquement à ce trait, comme si cela définissait entièrement leur existence.

Dans la même lignée, Lisa Nakamura explique que ce genre de procédé, où les studios cherchent à inclure à tout prix de la diversité peut mener à une forme de « tourisme identitaire », qui marchandise et standardise des identités de genre, et tendent également à renforcer certains stéréotypes.

La mise en avant de personnages queers peut être également faite de manière maladroite, avec un phénomène de voyeurisme, où le personnage transgenre va par exemple devoir montrer son corps afin de « prouver » qu’il n’est pas cisgenre, ou encore utiliser les problématiques liées à la sexualité ou au genre comme élément dramatique dans un scénario comme nous l’avons vu avec l’exemple de Kainé de NieR.

De la même façon, nous pouvons noter que même si un certain nombre de personnages apparaissent comme transgenre dans les jeux vidéo, ces personnages sont souvent doublés par des personnes du sexe opposé auquel ils s’identifient, ou encore sont montrés comme ayant des activités qui ne sont pas censées être associées à leur genre assigné à la naissance. Ces différentes stratégies des développeurs sont choisies pour faire comprendre aux joueur·ses l’identité de genre du personnage, et tendent à toujours représenter ces personnages sous l’idée d’opposition au genre assigné, ce qui, encore une fois, est très maladroit.

b) des personnages complexes, qui ne sont pas définis que par leur queerness

Même s’il y a encore beaucoup de personnages queers stéréotypés, de plus en plus d’efforts sont faits pour proposer des personnages variés, complexes et dont la sexualité ou le genre n’est pas utilisé comme ressort dramatique ou humoristique. C’est le cas par exemple du jeu Dream Daddy, qui a été aussi bien encensé par la communauté LGBTQAI+, que par des joueur·ses hétérosexuel·les grâce à l’histoire et les personnages proposés. Ce jeu nous met dans la peau d’un père divorcé, avec un outil poussé de customisation de notre personnage, et où nous allons avoir la possibilité de romancer d’autres pères de famille célibataires. Le jeu propose une expérience riche, car au-delà d’aborder des problématiques liées aux communautés queers, il ne tourne pas uniquement autour et se concentre même surtout sur le thème de la paternité.

Un autre bon exemple est le jeu The Last of Us 2* qui propose par exemple une héroïne lesbienne, sans que tout le jeu tourne autour de ce sujet. C’est avant tout un jeu de survie, et non un simulateur de rencontre comme l’est Dream Daddy par exemple. Ici, le choix « d’imposer » aux joueur·ses l’orientation du personnage principal, tout en l’intégrant dans une intrigue plus large est un choix encourageant dans la mesure où la plupart des jeux à gros budget comme celui-ci ne proposent généralement que des personnages principaux dont la norme est qu’ils soient hétérosexuels. Ces choix de héros et héroïnes, et de structures narratives peuvent donc permettre de normaliser en quelque sorte les personnages queers.


c) des choix de customisation des personnages

De plus en plus de jeux permettent de customiser de manière poussée son personnage, ce qui donne l’occasion par exemple de créer des personnages transgenres, plutôt que de simplement choisir entre des attributs physiques spécifiquement réservés à des personnages féminins ou masculins. C’est le cas par exemple du jeu Cyberpunk 2077 qui permet d’attribuer un pénis à son personnage construit sur un modèle féminin ou un vagin sur le modèle masculin, même si paradoxalement, le jeu continue de réserver certains vêtements uniquement aux archétypes de corps masculins ou féminins.

 Les Sims 4 sont pour l’instant le jeu qui permet la customisation la plus poussée* pour son personnage, dans la mesure où les vêtements, coupes de cheveux, voix et tous les autres éléments physiques sont applicables à tous les sims sans restrictions, et qu’un « outil de customisation de genre » permet aux joueur·ses de renseigner un certain nombre d’indications sur l’identité et la performance de genre de son personnage (comme le modèle de construction de son physique, ses préférences en termes de vêtements, s’il est capable de tomber enceinte, de rendre les autres enceintes, ou encore s’il utilise les toilettes assis ou debout). Ces différents outils de customisations intégrés aux jeux permettent donc aux joueur·ses une meilleure identification, de renforcer l’immersion et surtout de valider et normaliser leur identité de genre.

Le jeu Our Life : Beginning & Always fait également partie de ces jeux qui mettent au centre une customisation poussée de l’avatar. Le jeu prend la forme d’un visual novel/dating sim et laisse le choix au joueur de choisir le genre assigné à la naissance, puis proposera plus tard la possibilité de voir si ce genre convient ou non à notre personnage lorsqu’il grandit, en lui donnant la possibilité de customiser son identité de genre et son orientation sexuelle. De même, il y a la possibilité de choisir comment Cove, le love interest du jeu, agit à notre égard : il peut être plus ou moins tactile en fonction de nos préférences, ce qui permet d’être une sorte de safe place pour les personnes qui ne sont pas à l’aise avec les contacts physiques. Il est également tout à fait possible de faire un personnage asexuel et/ou aromantique et rester ami avec Cove tout au long du jeu.

d) le cas des queer games

Les différents jeux abordés au cours de cette analyse sont des jeux majoritairement mainstream, mais un courant de niche s’est développé dans les jeux indépendants, où le genre des queer games proposent des jeux faits par et pour des personnes queers.

Les jeux faits par des studios se heurtent rapidement à des problèmes structurels lorsqu’ils essaient de traiter des problématiques liées à l’identité de genre ou à la sexualité ; dans la mesure où l’industrie du jeu vidéo est inégalitaire de base, avec par exemple seulement 20% de femmes qui travaillent dans cette industrie en France, il peut vite apparaître compliqué de proposer une expérience qui reflète la sensibilité d’un personnage quand les personnes qui l’ont codé derrière sont en majorité des hommes hétérosexuels.

De la même façon, il peut paraître plus compliqué de proposer un reflet sur une expérience de vie d’une personne LGBTQIA+ quand cela doit passer par le travail d’une cinquantaine voire d’une centaine de personnes. Les queer games sont généralement faits par une seule personne, et cherchent à témoigner une expérience vécue en la proposant par le biais d’un récit narratif et interactif. Le jeu Mainichi de Mattie Brice a pour synopsis de « passer une journée dans la peau d’un personnage transgenre » et montre les différentes problématiques auxquelles peut être confrontée une femme trans et racisée en essayant simplement de vivre sa vie de manière simple. Ces jeux proposent donc un retour subjectif et d’expérimenter au quotidien une identité de genre ou une sexualité. Plus qu’une expérience vidéoludique, c’est souvent une volonté de sensibiliser ou de proposer un espace de visibilité et de reconnaissance pour ces communautés marginalisées dans les jeux vidéo.

Pour conclure, nous avons vu que les jeux vidéo mainstream sont encore un espace problématique dans la représentation des personnages queers. Ce sont souvent des représentations négatives et stéréotypées qui nous sont encore proposées, et parfois les règles et mécaniques de jeu ont même une forme de queerphobie sous-jacente. Cependant, dans la lignée de prise de conscience des discriminations, de plus en plus de gros studios font des efforts pour proposer des personnages plus complexes et qui ne se résument plus uniquement à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle. De la même façon, les outils de customisation de personnages permettent de plus en plus de possibilités, et le genre des queer games permet de proposer un safe space pour les personnes concernées, avec des représentations justes et positives. Les jeux LGBTQIA+ sont en train de devenir un genre à part entière comme en témoignent les tags sur Steam ou les nombreuses listes faites par des fans en ligne. Cela est révélateur du fait qu’il y a une vraie demande d’inclusion, et que les développeurs ont tout intérêt à intégrer de manière juste tous ces publics.

Les jeux vidéo proposent d’une certaine façon, les mêmes représentations négatives que l’on peut trouver dans d’autres médias : cinéma, musiques, livres, etc. À la différence où ce médium met le joueur dans une position active, et dont l’interactivité permet de plus grandes possibilités dans l’exploration d’une subjectivité des expériences ou des affects. Il est donc dommage que cette subjectivité ne concerne qu’en grande partie un public de joueur masculin et hétérosexuel alors que des millions d’autres joueur·ses n’appartiennent pas à ces catégories.

Cependant, il reste à noter que malgré la bonne volonté de la plupart des studios et des fans concernés, la réception de ce genre d’initiatives reste encore très controversée, comme nous avons pu le voir avec de gros jeux comme The Last of Us 2 qui a été boycotté par une partie des fans lors des trailers mettant en scène l’héroïne ayant une relation amoureuse avec une femme, ou encore avec des joueurs de Cyberpunk 2077 qui se sont plaints de ne pas pouvoir romancer une femme lesbienne avec leur personnage masculin et hétérosexuel.

Notes :

* The Last Of Us 2 est certes un bon exemple en matière d’héroïne complexe qui n’est pas uniquement caractérisée par son orientation sexuelle, en revanche il convient de préciser que de nombreux scandales ont entaché le développement du jeu à plusieurs niveaux.

** Pour ce qui est des Sims 4 je préciserais aussi qu’il permet en effet plein de possibilités niveaux customisation en 2020, mais il y a eu également énormément de gaffes en termes d’inclusivité ou d’appropriation culturelle depuis la sortie du jeu. Et pour ce qui est de l’inclusivité des personnes racisées, ils ont mis énormément de temps avant d’enfin prendre les demandes en compte, et ce n’est que depuis l’année dernière qu’ils commencent doucement à ajouter du contenu qui n’est pas destiné qu’à des personnages blancs.


Les jeux vidéo comportent également une part d’écriture importante, c’est pourquoi il faudrait éviter le plus possible de tomber dans les points négatifs évoqués dans l’article afin de ne pas proposer des représentations maladroites. Certains exemples sont vieux et semblent exagérés, mais pour autant, il y a toujours de nombreuses maladresses encore à l’heure d’aujourd’hui, notamment dans un certain nombre de jeux indépendants qui ne passent pas forcément par un comité pour faire un retour sur les représentations (et même dans certains jeux à gros budget où l’on trouve encore parfois de grosses maladresses).

La vidéo de Feminist Frequency « Is Girahim Gay or Just Coded That Way ? Queer Tropes in Video Games » m’avait beaucoup servi pour écrire ce dossier, notamment pour de nombreux exemples cités, donc n’hésitez pas à la consulter si ça vous intéresse !

Sources

Feminist Frequency. Is Girahim Gay or Just Coded That Way ? Queer Tropes in Video Games

NAKAMURA, L. (2000). Race In/For Cyberspace: Identity Tourism and Racial Passing on the Internet. Archived 2013-09-18 at the Wayback Machine Retrieved on October 30, 2007.

SHAW, Adrienne, FRIESEM Elisabetha. (2016). Where Is the Queerness in Games? Types of Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, and Queer Content in Digital Games. International Journal of Communication.

MULVEY Laura. (1975). « Visual Pleasure and Narrative Cinema ». Screen. p. 6–18.

CONNELL R.W. (2014). Margin becoming centre : for a world-centred rethinking of masculinities. NORMA : International Journal for Masculinity Studies. 217-231.

KLINE Stephen, DYER-WITHEFORD Nick, DE PEUTER Greig. (2003) Digital Play, Montreal & Kingston, McGillQueen’s University Press.

DE LAURETIS, Teresa. (1987). THE TECHNOLOGY OF GENDER. In Technologies of Gender: Essays on Theory, Film, and Fiction (pp. 1-30). Indiana University Press

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