Les tropes et les représentations des troubles psychiques

Les troubles psychiques ont longtemps été invisibilisés ou associés à un certain nombre de stéréotypes négatifs.

Aujourd’hui, les publics sont beaucoup plus sensibilisés sur la santé mentale, ce qui a permis d’offrir des représentations plus justes pour certains troubles comme la dépression, l’anxiété ou encore la bipolarité. Il y a donc de plus en plus de personnages auxquels les personnes en souffrance psychique peuvent désormais s’identifier.

Cependant, certains troubles sont quant à eux toujours traités de façon problématique, car des maladresses sont souvent faites en matière d’écriture.

Cela se retrouve notamment dans des tropes surutilisés pour dépeindre certains troubles, et qui perpétuent des clichés que les publics finissent par intégrer en pensant que ces mauvaises représentations définissent la réalité.

Nous allons passer en revue une petite sélection de tropes afin de voir ce qu’il vaut mieux éviter lorsque l’on écrit sur ces sujets.

Les représentations de la schizophrénie

La schizophrénie est souvent confondue à tort avec une version fantasmée du trouble dissociatif de l’identité.

Le trope du Funny Schizophrenia consiste à utiliser ce trouble en tant que ressort humoristique, souvent en ridiculisant ces personnages (en les montrant par exemple se parler à eux-mêmes).

Mais le trope que l’on retrouve le plus est celui de The Schizophrenia Conspiracy, qui consiste à représenter les personnes schizophrènes comme étant paranoïaques et obnubilées par des théories du complot. Or, la schizophrénie paranoïde ne concerne qu’un seul type de schizophrénie sur les six de ce spectre.

Ce trope propose non seulement une version stéréotypée de cette forme de schizophrénie, mais il est également surutilisé au point que c’est l’une des seules représentations de ce trouble qui existe et qui tend à renforcer des préjugés négatifs déjà très présents dans l’imaginaire commun.

Les représentations du trouble dissociatif de l’identité

Le trope du Split Personnality s’inspire du TDI. C’est l’un des troubles qui est le plus associé à la dangerosité dans la pop culture.

Ce trope est souvent utilisé pour donner une pseudo complexité à une enquête policière.

Beaucoup d’auteurices utilisent le TDI comme justification pour leurs serial killers ou leurs personnages problématiques. C’est une pratique très répandue depuis de nombreuses années, au point où la plupart des non concerné·es développent une méfiance voire une peur des personnes qui souffrent de ce trouble.

Encore une fois, l’impact des mauvaises représentations présentes depuis des décennies ont fini par influencer la façon dont les personnes souffrant de TDI sont perçues par les autres.

Les troubles obsessionnel compulsif (TOC) et les troubles de la personnalité obsessionnelle-compulsive

Les TOC sont une forme d’anxiété qui se caractérise généralement par un flux de pensées négatives et où les « rituels » sont une des manières de s’en détourner.

Dans la pop culture, les TOC sont souvent utilisés en tant que ressort humoristique en montrant les personnages ayant des manies parfois ridicules, afin de susciter l’agacement ou le rire chez le public. C’est le trope du Super OCD.

Les TOC sont souvent associés ou confondus avec les troubles de la personnalité obsessionnelle-compulsive qui se caractérise entre autres par une attention particulière aux détails, règles et/ou à la perfection à un point qui peut être handicapant pour la personne. Dans les fictions, ce trouble dépeint souvent de manière cliché une personne très à cheval sur les règles et le perfectionnisme.

Les tropes du Neat Freak (les persos obsédés par la propreté), du Schedule Fanatic (qui veulent tout planifier à l’extrême) ou le Clock King (souvent associé à un méchant·e, qui connait tout un tas de détails très précis pour mener à bien son plan) en sont des dérivés utilisés pour caractériser les personnages, voire les rendre « attachants ».

Les deux troubles mentionnés sont également parfois associés aux détectives (trope du Defective Detective) ou aux méchants (par exemple le trope du Mad Mathematician) et on tombe alors souvent dans le trope du Disability Superpower où le handicap de la personne se révèle en réalité un atout important dans l’intrigue ou pour se défaire de ses ennemis .

Encore une fois, c’est aux auteurices de se poser la question de savoir s’iels utilisent ces tropes avec « bienveillance », ou si c’est pour ridiculiser les personnes concernées.

Un personnage peut très bien être concerné par l’un de ces troubles, mais attention à ce qu’il ne soit pas uniquement défini par cet aspect.

Les représentations du syndrome Gilles de la Tourette

Ce syndrome est un trouble neurologique (mais souvent considéré à tort comme un trouble psychique donc je me suis permise de le mettre ici), qui se traduit notamment par des tics involontaires, aussi bien physiques que vocaux.

Alors non, les personnes qui ont la Tourette ne sont pas en permanence en train d’insulter de manière incontrôlée les autres. La coprolalie est une manifestation qui ne concernerait qu’environ 10% des personnes atteintes de ce trouble. Ce syndrome se traduit en réalité de manières très variées, c’est donc assez dommage de le représenter uniquement par cet aspect (plus connu sous le trope dHollywood Tourette’s)

Ce syndrome est lui aussi souvent utilisé en tant que ressort humoristique, pour mettre mal à l’aise les autres personnages, créer des quiproquos ou simplement ridiculiser la personne concernée.

Ambiguous disorder

Le trope du « trouble ambigu » consiste à montrer un personnage qui a vraisemblablement un comportement qui ne correspond pas aux normes sociales attendues et/ou qui souffre de quelque chose, sans qu’il y ait un terme précis mis dessus.

Alors oui, obtenir un diagnostic est parfois très compliqué dans la vie réelle, et c’est important de préciser que c’est une réalité qui existe avec de nombreuses personnes qui ne savent pas exactement ce dont elles souffrent.

Cependant, en tant qu’auteurice, il faut se demander son intention derrière pour utiliser un tel trope : est-ce que c’est pour effectivement dépeindre des errances médicales ou des questionnements, ou bien est-ce que c’est pour s’éviter tout un tas de recherches et/ou de s’attirer les foudres des personnes concernées si la représentation est mauvaise ?

Les représentations problématiques

Certains de ces troubles sont souvent utilisés pour effrayer le lectorat, en montrant des personnages « imprévisibles », voire « dangereux ». C’est le trope du Insane equals violence où les personnages atteints de troubles psychiques sont montrés comme violents envers les autres ou bien voient leur force décupler « grâce à leur folie ».

Alors oui, il y a parfois des cas dans la réalité où des personnes violentes étaient atteintes de tel ou tel trouble, mais c’est beaucoup moins répandu que ce que la fiction pourrait faire croire (et les passages à l’acte sont plus souvent corrélés à la prise de drogue ou d’alcool qu’au trouble).

La plupart des tropes évoqués sont des représentations négatives et il vaut généralement mieux les éviter. D’autres manières plus originales existent pour susciter des émotions chez votre lectorat.

Si vous écrivez sur l’un de ces troubles, pensez à créer d’autres personnages concernés pour contrebalancer les représentations, et ne réduisez pas vos personnages à de simples personnifications de troubles psychiques.

Conclusion

Deux personnes atteintes d’un même trouble peuvent le vivre de façon complètement différente.

Le problème est que c’est souvent un seul type de représentation, très souvent simplifiée à l’extrême, qui est retenu par les auteurices, qui tendent alors eux aussi à perpétuer ces clichés dans l’imaginaire commun. Et le problème, c’est que les publics non concernés ont tendance à faire des généralités si l’on ne leur propose pas d’autres représentations.

Certains troubles comme la schizophrénie ou les TDI sont alors associés à une idée de dangerosité, ce qui renforce les discriminations ou stigmatisations dont peuvent souffrir ces personnes au quotidien.

Comme toujours, si vous tenez vraiment à écrire sur ces thèmes, il est important de faire un maximum de recherches, d’échanger avec des personnes concernées et de se faire relire par des sensitivity readers.

Je rappelle également comme d’habitude qu’utiliser un trope n’est pas forcément problématique en soi. Ce sont surtout des outils qui permettent d’examiner si l’on tombe dans les stéréotypes, et si c’est le cas, essayer d’en avoir conscience, comprendre pour quelles raisons on les utilise. On peut alors essayer de les subvertir, de les supprimer ou de les contrebalancer s’ils perpétuent des représentations négatives.

La plupart des troubles évoqués souffrent du phénomène d’Hollywood, où les nombreuses représentations bancales ont fini par créer un imaginaire commun faux et stéréotypé dans l’esprit des publics. Dans le cas de la schizophrénie par exemple, c’est le fait qu’une grande majorité de personnes pensent que ce trouble ne consiste qu’à entendre des voix ou être paranoïaque.

Je me suis uniquement concentrée sur les représentations et je ne suis pas rentrée dans les détails de chacun de ces troubles très complexes. D’autres comptes spécialisés de personnes concernées ou professionnels vulgarisent bien mieux que moi sur ces sujets (je vais poster une petite sélection de ressources dans les commentaires).

Pour celleux qui sont intéressés par ces thèmes, j’ai également fait une publication sur comment écrire sur les troubles psychiques.

N’hésitez pas à visiter les pages TV Tropes des tropes évoqués si vous voulez de nombreux exemples précis ou plus d’informations sur les stéréotypes ! Les subreddit des différents troubles vous permettent également d’avoir des témoignages de personnes concernées et de mieux comprendre comment cela les impacte ou non au quotidien.

Ressources

Les subreddit des troubles cités :

r/schizophrenia

r/ocd (toc)

r/ ocpd (tpoc)

r/did (tdi)

r/tourettes

Chaînes YouTube sur les troubles psychiques cités :

La chaine YouTube de Psykocouac (docteur en psychologie cognitive)

Le journal d’Olympe, Jayleen House’s, The Peculiar Club (à propos des TDI)

Compte Instagram :

@schizophrenie.doc

@mon_quotidien_de_schizophrene

@partielles (tdi)

@parlons_toc

@toc.au.cube

@planetepsy.tourette.tics

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